Une approche du bouddhisme
Nguyen Dang Truc
I. De Siddhârta au Bouddha
Histoire d’un prince
Le Bouddha – c’est-à-dire l’Illuminé,
l’Eveillé – a comme prénom Siddhârta et
comme nom de famille Gautama. On
l’appelle encore Çakya-Mouni, le sage
des Çakyas (la principauté des Çakyas
était en fait une partie du royaume de Kosala dans le Népal actuel). Il est né
entre le VIIe et le VIe siècle avant notre ère, fils aîné
du roi (ou prince) Suddhodana et de la reine Mayà. Il fut marié à l’âge de 16
ans avec une belle princesse de Kosola appelée Yasathra. De leur mariage naquit
un fils, Rahula. Jusqu’à l’âge de 29 ans, le prince Siddhârta mena une vie
heureuse et sans souci dans le palais royal.
Premières rencontres
À l’âge de 29 ans,
au cours d’une promenade, le prince « rencontre
successivement un vieillard décrépit, puis un homme atteint de la peste noire
et qui hurle de douleur, enfin un cortège qui conduit un cadavre au bûcher pour
la crémation. Il découvre brutalement la place de la souffrance dans la vie humaine…
Le problème de la vie était posé, et il est impossible de le résoudre sans
s’attaquer au problème de la souffrance elle-même. Or le jeune prince fait une
quatrième rencontre : il voit sur le bord du chemin un ascète qui mendie
sa nourriture. Leurs regards se croisent, et Gautama est frappé par la sérénité
de ce moine mendiant : celui-là n’avait-il pas trouvé la voie ? [1] »
… et premières recherches de la Voie
Frappé par ces
rencontres, le prince se décide à quitter le palais, à prendre la robe du renonçant.
« Il se met alors successivement à l’école de plusieurs maîtres ; mais tous le déçoivent. C’est
pourquoi il prend finalement le parti de s’en passer et de chercher sa voie par lui-même. Entraînant cinq disciples à sa
suite, il va se livrer pendant six ans à une ascèse poussée jusqu’aux limites
de la résistance humaine : mais là
encore, c’est l’échec.[2] »
Rencontre inouïe de révélation et apparition
du Bouddha
« La voie de la libération n’est donc pas
l’ascétisme[3]. »
Le prince recommence une vie normale. Un jour, à l’âge de 35 ans, pendant une
méditation sous un figuier (appelé depuis l’arbre
Bodhi, ou arbre de l’Éveil), il
connaît une illumination soudaine : une Lumière lui est apparue
brusquement. L’apparition de cette Lumière, ou cette rencontre inouïe, sans
précédent dans la vie du prince, lui vaut dès lors le nom de Bouddha,
c’est-à-dire l’Éveillé ou l’Illuminé. Quel Être ou quelle Réalité Gautama
a-t-il rencontrés ? Cela restera toujours mystérieux et indicible.
Cependant, ce qu’il peut y avoir d’exprimable dans cette illumination a été
rapporté en substance dans un enseignement fondamental, qu’on appelle le Sermon
près de Bénarès sur les quatre Nobles Vérités.
II.
L’essentiel de
l’enseignement du Bouddha : Les Quatre Nobles Vérités
« Le cœur de l’enseignement du Bouddha, tel
qu’il est transmis de son vivant jusqu’à nos jours, est contenu dans les Quatre
Nobles Vérités. Les variations de la Doctrine proviennent des présentations et des
interprétations.[4] »
Les Quatre Nobles
Vérités sont désignées des noms suivants :
-
Dukkha
-
Samudaya
-
Nirodha
-
Magga
Dukkha
Le Bouddha
déclare : « Celui qui voit
Dukkha voit Samudaya, et il voit aussi Nirodha et Magga[5]. »
À propos de ce
Dukkha, contenu fondamental de la pensée bouddhiste, il faut bien
préciser :
« Il est vrai que dans l’usage courant le mot
pali dukkha (duhkha en sanscrit) a le sens de ‘souffrance’, douleur, peine, misère …, par
opposition au mot sukha qui signifie
bonheur, aise, bien-être. Mais le terme dukkha, en tant qu’il exprime la Noble Vérité qui représente le point de vue du
Bouddha sur la vie et le monde, revêt un sens plus profondément philosophique
et comporte des significations beaucoup plus étendues…
Dans l’Anguttara-nikàya, qui est l’un des recueils originaux en pali contenant les discours du
Bouddha, on trouve une énumération de différentes formes de bonheur (sukhani), tel le bonheur de la vie de famille, de la
vie solitaire, des plaisirs des sens, du renoncement, de l’attachement et du
détachement, le bonheur physique et le bonheur mental etc. Mais tout cela est
inclus dans dukkha : même les
très purs états spirituels de dhyàna
(recueillement) atteint par la pratique de la plus haute méditation, libres
même de l’ombre de la souffrance dans le sens ordinaire du mot, décrits comme
un bonheur sans mélange ; même l’état dhyàna qui est libéré de toute sensation agréable (sukha) ou désagréable (dukkha) et qui n’est plus que sérénité et attention
pure - même ces très hauts états spirituels sont compris dans la dukkha.[6] »
Dukkha, annoncé par Bouddha suite à son
illumination, est donc le sens de l’existence totale et originelle. On pourrait
dire que Dukkha est la sensibilité de
l’existence authentique, c’est-à-dire « être dans la Vérité ». Vivre en
Vérité, c’est souffrir. Cela veut dire qu’exister est la soif ou le désir de
cette Vérité que tout existant comme tel n’est pas. Tout ce qui est ‘ceci’ ou
‘cela’ – les divinités aussi bien que le moi, et même toutes choses qu’on
pourrait imaginer – ne saurait être la Vérité dont l’existence authentique a soif.
Du fait que le sens
de l’existence gît justement dans cette souffrance originelle, les existants se
trouvent liés les uns aux autres dans le partage de cette souffrance
universelle ; ce partage est exprimé sous le nom de compassion.
Samudaya
Mais comment la
souffrance originelle (Dukkha)
apparaît-elle dans la réalité de l’existence ?
Par son
illumination, le Bouddha a eu la grâce inouïe de prendre conscience que
l’existence est, par essence, souffrance. Mais d’un seul coup, à la lumière de
cette révélation, il voit que la réalité de l’existence est oublieuse de cette
soif. Si elle l’est, et si elle peut l’être, c’est en fait parce que
l’existence peut aussi l’inauthentique. Cette dernière détourne la souffrance
originelle, le désir de la
Vérité, en un désir de « se
faire » (c’est le karma : en sanscrit ce mot a
pour racine ‘kr’ qui veut dire ‘faire’), en volonté de puissance. Ce
détournement advient à travers cette tromperie qu’est l’illusion de
s’identifier au fondement de la Vérité. Ainsi, à partir de ce ‘Moi’ (ou du
‘Soi’), apparaissent d’autres ‘Moi’ ; et c’est dans cet enchaînement que
les mondes naissent, et succèdent aux mondes en se multipliant sans cesse.
Par la Noble Vérité
Samudaya, on a conscience que l’apparition de la Souffrance Originelle
et Englobante qui est le sens de l’existence authentique ne se révèle que par
la voie négative ; c’est-à-dire que cette Souffrance n’advient que dans le
retrait de son détournement en « désir
de se faire », source de tant
de souffrances dans le sens ordinaire.
Nirhodha
L’homme est tiraillé
par une contradiction. Il y a chez lui, d’une part, la Soif de la Vérité (= la Souffrance originelle, la Dukkha) ;
et il y a, d’autre part, la réalité mensongère d’une existence fondée sur
l’avidité de se faire soi-même, dans la joie de l’illusion ou dans l’ignorance.
Pour échapper à cette contradiction, le seul remède sera de faire mourir ce
‘Moi’ auto-fondateur (cf. la doctrine du ‘Non-Moi’, Anatta). Pour cela, il
est nécessaire d’éliminer le désir de se faire soi-même, de l’auto-suffisance,
et la soif de l’illusion. Cet acte est exprimé par le mot tanhakkhaya, c’est-à-dire extinction de la soif.
Quant au Nirvana,
il apparaît après la disparition du ‘Moi’ auto-fondateur, et surtout de la
racine de ce dernier, qui est le désir de se faire. Ce Nirvana, nom donné à la
Vérité de l’existence, se manifeste comme négation de ce qui
apparaît en relation avec l’ensemble de tout ce qui s’ancre sur le ‘Moi’
auto-fondateur. Il est donc ce que ‘désire’ essentiellement le Temps dans sa
plénitude et qui n’est donc ni ceci ni cela dans l’ensemble de tout existant.
Magga
Magga signifie le chemin à suivre. Il a souvent un autre
nom : le Noble Sentier Octuple (Ariya-Atthangita-Magga)
– compréhension juste, pensée juste, parole juste, action juste, moyens
d’existence justes, effort juste, attention juste, concentration juste. On
note ici l’omniprésence de l’épithète juste (sammà).
D’abord, les huit
catégories évoquées ci-dessus symbolisent la totalité de l’existence comme
telle.
Ensuite, l’épithète juste est parfois interprétée comme
marquant le « juste milieu » qui se défie des extrêmes ; cette
compréhension semble se fonder sur le besoin d’appliquer cette doctrine à la
vie morale, pour laquelle ce qualificatif prend le sens de « modéré ».
En fait, une telle interprétation ne fait que révéler une attitude de
prudence ; elle éloigne des exigences propres à la quête de l’essentiel,
qui caractérisent la pensée bouddhique. Le terme devrait entendu comme synonyme
de « demeurer dans la
Vérité », cette Vérité qui se donne dans l’existence
comme Souffrance Originelle.
III.
Premiers
développements
Du vivant du Bouddha
Après l’événement de
l’illumination et le Sermon près de Bénarès, le Bouddha va transmettre sa
doctrine (appelée Dharma) pendant environ quarante-cinq ans dans la plaine de
Gange, tout en « jetant les bases de la communauté monastique bouddhiste
(appelée Sangha). Ainsi, le Bouddha, le Dharma, le Sangha sont les
“Trois Trésors” en lesquels le bouddhiste mettra sa foi et “prendra refuge”.[7] »
Les premiers
conciles du bouddhisme
Dès sa naissance, le
bouddhisme connaît des jours difficiles.
Par rapport aux communautés ambiantes, il est critiqué comme un mouvement
contestataire. À l’encontre de la tradition brahmanique, il est dérangeant. À
l’intérieur de sa propre communauté, des crises ne tardent pas à se produire.
Peu après la mort du Bouddha, en l’absence d’un successeur et d’une autorité
compétente pour résoudre les problèmes de doctrine ou de discipline, il y a
besoin d’un concile pour fixer l’enseignement du maître. Le premier en a lieu à
Râjagriha vers 477. Il fut suivi de
trois autres conciles : un à Vaisali
vers 377 ou 367, et deux à Pataliputra,
vers 340 et vers 242.[8]
Et son développement
en une grande religion à vocation universelle
Comme la doctrine
bouddhiste touche les problèmes essentiels de la condition humaine et qu’elle
est proposée à tout homme, le bouddhisme a été missionnaire dès l’origine. Mais
historiquement, « cette universalité commença à devenir effective grâce à l’envoi
de missionnaires par Açoka (empereur
indien au IIIe siècle avant notre ère), d’abord dans les royaumes
limitrophes, puis dans des contrées plus lointaines.[9] »
IV.
Les principaux
courants spirituels
Bien qu’issu d’un
même Maître (le Bouddha) et professant même doctrine (le Dharma), le bouddhisme
a connu de multiples courants spirituels. Ces courants sont liés aux divers
modes de présentation ou d’interprétation de la Doctrine, aux méthodes
contemplatives, aux pratiques et usages différents, ainsi qu’aux mentalités et
aux cultures des lieux…
Le Hînayâna ou
Petit-Véhicule
Ce courant est
considéré comme le représentant le plus ancien et le plus fidèle de la
doctrine. « C’est du moins le courant qui a conservé à Ceylan et en langue palie, le plus vaste complexe
d’Ecritures anciennes.[10] »
Il préconise le respect strict de la
Voie des Anciens – de là dérive le nom de la plus grande
école qui subsiste encore : le Theravâda = La Voie des Anciens. Il professe surtout la
priorité de la recherche du salut
personnel, de la vie monastique, contemplative et solitaire. Ce courant
s’est développé plutôt dans les pays du Sud et du Sud-Est de l’Asie, comme le
Sri Lanka, la Birmanie,
la Thaïlande,
le Laos, le Cambodge et le sud du Viêt-nam. De ce fait, on l’appelle parfois « l’École du Sud » par opposition à
« l’École du Nord » ou Mahâyâna (Grand-Véhicule).
Le Mahâyâna ou
Grand-Véhicule
« Le Grand Véhicule se montre l’œuvre de
commentateurs qui, attachés à faire surtout ressortir l’esprit des textes, ont
prétendu être plus près de la véritable pensée du Parfait. Bien entendu, il est
resté strictement monastique mais a glissé à la spéculation. Cette attitude
devait conduire naturellement à des interprétations si diverses que la Doctrine devint sujette
non seulement à la prolifération mais à d’importants changements.[11] »
Ce courant s’est développé d’abord en Inde, durant les premiers siècles du
bouddhisme. Il y était en contact avec le terrain religieux védique plus
ancien. L’adaptation à ce milieu intellectuel lui donnera un caractère
philosophique ; l’influence de la dévotion populaire du Brahmanisme lui
conférera un aspect cultuel riche de créations artistiques, qui forment une
sorte de panthéon bouddhique.
Le Mahâyâna se
propage en Chine dès le premier siècle de notre ère, mais connaît un véritable
essor au Ve siècle. Deux écoles importantes s’y développent : l’École Tch’an, plutôt philosophique,
qui deviendra au Japon l’École Zen,
et l’École Ts’ing T’ou (‘La Terre Pure’), où se
développe la dévotion à Amitabhâ. Cette
dernière Ecole est l’ancêtre de l’amidisme japonais. « C’est en effet à
partir de la Chine
que le bouddhisme se répand d’abord en Corée (où il est introduit en 372 [ap.
J.-C.]), puis au Japon (où il est introduit en 522).[12] »
Le Bouddhisme
tantrique ou Vajrayâna (Véhicule de Diamant)
Dès le début de sa
formation dans le Nord de l’Inde, vers le IVe et le Ve
siècle, le tantrisme se présente comme un mouvement religieux qui compte, pour
parvenir à la force divine, sur des procédés relevant pour une part de la
magie. Sa rencontre avec le Mahâyâna donna naissance à une nouvelle forme du
bouddhisme, le Vajrayâna. Ce courant fut introduit au Tibet au VIIIe
siècle, et se modifia au contact de la culture du lieu pour donner le
bouddhisme tibétain.
V.
Le bouddhisme, une
religion
Le bouddhisme est
reconnu socialement comme une grande religion. Pourtant, il est difficile de
prendre des caractéristiques des religions de tradition judéo-chrétienne,
religions fondées sur la révélation positive, pour le confirmer ou le réfuter.
Il faut distinguer deux aspects. On a, d’une part, le bouddhisme entendu comme
doctrine – une doctrine dont l’essentiel a été enseigné par le Bouddha dans le
Sermon sur les quatre Nobles Vérités près de Bénarès, et interprété d’une
manière philosophique par les bouddhistes lettrés. On a, d’autre part, le
bouddhisme quotidien, tel que pratiqué à travers le temps par les membres des
communautés bouddhistes de différents pays – un bouddhisme imprégné de diverses
croyances et de traditions. Entre ces deux visages du bouddhisme, il y a non
seulement des variations importantes, mais aussi des contradictions. Plutôt que
de vouloir comparer le bouddhisme à d’autres religions, il sera utile de
dégager quelques-uns de ses aspects caractéristiques.
Les
institutions
Les bouddhistes mettent leur foi en trois
réalités appelées « les Trois Joyaux » : le Bouddha (l’Éveillé), le Dharma
(la parole qui fait accéder à l’Éveil), et le Sangha (la fraternité de
ceux qui marchent vers l’Éveil). Aussi prennent-ils refuge en ces Trois Joyaux.
Cette prise de refuge est l’acte
d’engagement dans la Voie
bouddhiste. Le texte du « Triple Refuge » (trisharana) est simple :
-
Je prends mon refuge dans le Bouddha ;
-
Je prends mon refuge dans le Dharma ;
-
Je prends mon refuge dans le Sangha.
Ceux qui
font cet acte d’engagement sont reconnus comme véritables bouddhistes, mais
leur nombre est très limité. On est plus souvent bouddhiste d’une manière
spontanée, du fait qu’on appartient à telle famille, à telle communauté ou à
tel pays.
L’institution la
plus importante est la communauté des moines (le sangha). On pourrait dire que
le développement et la survie du bouddhisme sont liés à l’institution
monastique. Mais les moines bouddhistes sont des « renonçants », qui
pratiquent le dharma d’une manière radicale, et non des prêtres qui
exerceraient une fonction sacerdotale. Il existe, au sein des communautés plus
ou moins importantes, des hiérarchies bouddhistes ; mais une autorité
suprême, garante de l’unité des bouddhistes et de l’authenticité de la doctrine,
n’existe pas.
Les mythes et les
rites
L’avènement du Bouddhisme est par principe un dépassement de toutes les
mythologies. La présence, dans la doctrine bouddhiste, de termes à l’accent
négatif marque d’abord et essentiellement la négation, le refus de se fonder
sur n’importe quelle représentation. Mais, dans la pratique, cette doctrine
s’est adaptée aux temps et aux mœurs et offre des listes des divinités, ainsi
que des rituels assez variés. Il y a des fêtes commémorant certains événements
de la vie du Bouddha, des rituels de dévotion envers les « Trois
Joyaux » ou les reliques, des pèlerinages à des lieux sacrés… Il y a des
cérémonies exprimant des demandes diverses, tant spirituelles que matérielles.
« Le bouddhisme n’a pas créé de rites destinés à sacraliser les grandes
étapes de la vie humaine : la naissance, l’entrée dans l’âge adulte et le
mariage… Le seul rituel proprement bouddhique est celui qui concerne la mort…[13] »
Tandis que
les rituels sacrificiels occupent la
place centrale dans beaucoup de religions, il n’en a pas de trace dans le
bouddhisme. On pourrait évoquer une raison à cela. Si le bouddhisme n’est pas
fondé sur une révélation positive – qui puisse permettre de prononcer le Nom
Divin comme il faut –, et si la doctrine exige un refus radical de l’idolâtrie,
en toute sincérité, à qui donc offrir des sacrifices ? Le seul sacrifice,
dans ce cas, n’est-il pas « la mort du Soi auto-fondateur », dans
l’attente de la Lumière
qui vient de l’Autre Rive ?
VI.
Le bouddhisme
aujourd’hui
En Asie
Dans beaucoup de
pays asiatiques, la pensée bouddhique devient un dépôt culturel qui caractérise
les comportements individuels, valorise et améliore les mœurs. L’héritage de la
pensée bouddhique entre dans la mentalité de toute la population et influence
la conduite morale de toutes les couches de société, sans distinction de
confessions religieuses. Mais le nombre de bouddhistes qui s’engagent
effectivement dans la pratique des rituels, qui connaissent les activités de la
communauté et y participent comme adhérents, est très limité. On calcule
d’ordinaire le nombre des croyants bouddhistes sur un critère de
non-appartenance à d’autres religions plutôt que d’après l’engagement effectif
dans la religion bouddhiste.
Voici quelques
chiffres qui révèlent la situation générale du bouddhisme dans les pays d’Asie[14] :
-
Dans les pays où le
bouddhisme est considéré comme religion d’État (en millions) :
Pays
|
Habitants
|
Bouddhistes
|
%
|
|
|
|
|
Sri Lanka
|
15,8
|
10,57
|
66,9 %
|
Bhutan
|
1, 39
|
0, 96
|
69, 6 %
|
Birmanie
|
38, 5
|
33, 57
|
87, 2 %
|
Cambodge
|
7, 06
|
6, 24
|
88, 4 %
|
Laos
|
3, 6
|
2, 08
|
57, 8 %
|
Thaïlande
|
51, 3
|
47, 25
|
92, 1 %
|
* Au Tibet, pays occupé par la Chine, presque 100% des
habitants sont bouddhistes.
- Dans
les pays où le bouddhisme a une place très importante, surtout dans le domaine
culturel (en millions) :
Pays
|
Habitants
|
Bouddhistes
|
%
|
|
|
|
|
Japon
|
120,8
|
72,00
|
59,6 %
|
Viêt Nam
|
58,6
|
32,41
|
55,3 %
|
Taiwan
|
19,28
|
9,06
|
47 %
|
Corée du Sud
|
42,2
|
6,54
|
15,5 %
|
-
En Inde, en Chine et
dans quelques pays où le bouddhisme représente un moindre pourcentage (en
millions) :
Pays
|
Habitants
|
Bouddhistes
|
%
|
|
|
|
|
Inde
|
750,9
|
5,26
|
0,7 %
|
Chine
|
1 061,1
|
63,67
|
6 %
|
Mongolie
|
1,87
|
0,04
|
1.9 %
|
Les bouddhistes sont
présents aussi dans d’autres pays d’Asie, comme la Malaisie, l’Indonésie, le
Singapour, et même l’Australie ; mais ils n’y sont qu’une petite minorité
par rapport à la population locale.
En
Europe et aux États-Unis
Aujourd’hui, le
bouddhisme n’est plus une religion exclusivement asiatique. Les migrations, les
échanges culturels et les rencontres inter-religieuses en permettent une percée
remarquable en Europe et surtout aux États-Unis. Pour la majorité de la
population occidentale, le bouddhisme semble davantage connu, mais d’une
manière assez floue, comme une technique de méditation, de respiration ou même
de gymnastique… sous sa forme Zen. Les hommes de culture considèrent souvent –
peut-être est-ce un a priori – le bouddhisme comme une mouvement religieux
écolo-pacifiste, ou parfois comme une sorte de courant de pensée sceptique ou
nihiliste. On compte maintenant plusieurs millions de bouddhistes en Europe et
aux Etats-Unis ; ce sont, pour la plupart, des natifs d’Asie.
Selon une source
plus récente, le Britannica Book of the Year 1998, les bouddhistes sont 353,14 millions dans le monde, dont 348,5 en Asie, 2,1 en
Amérique du Nord, 0,64 en Amérique du Sud, 1,47 en Europe, 0,19 en Océanie et
0,136 en Afrique.
D’après http://fr.wikipedia.org/wiki/Bouddhisme dans le monde :
« On estime le nombre de bouddhistes entre 350
millions et 1.7 milliards. Cette estimation peut se faire selon différents
critères, et est rendue difficile par:
* le fait que de nombreux bouddhistes d'Asie de l'Est
ont des croyances mélangées de plusieurs religions (Bouddhisme, Taoïsme,
Confucianisme, Shinto, religions traditionnelles chinoises, Shamanisme,
animisme, etc.).
* certains gouvernements qui sont hostiles au
bouddhisme ou aux religions en général. »
(…)
Selon le tableau de
Statistiques établi par wikipedia en 2005 :
Population(2005E) du
monde 6,430,856,221
% de Bouddhistes 6,457%
Bouddhistes (total) 415, 266,727
Le bouddhisme gagne en
importance en Occident. En particulier, le
zen (avec, par exemple Taisen
Deshimaru en France) et le bouddhisme
tibétain lié notamment à la personnalité du 14e Dalaï Lama, Tenzin Gyatso.
Par sa position proche
des grands pays asiatiques de tradition bouddhique, l'Australie connaît une
forte progression du bouddhisme au sein de sa population d'origine européenne.
__________
A lire
NGUYEN DANG TRUC, Bouddha, un contemporain des Anciens Grecs. Essai de dialogue entre cultures, L’Harmattan
Paris, 2010
H. de GLASSENAPP, Les
cinq grandes religions du monde, Trad. Pierre JUNDT,
Payot Paris, 1954
Walpola
RAHULA, L’enseignement du Bouddha d’après les textes les plus
anciens, Seuil, Paris, 1961
H. de LUBAC, Aspects du Bouddhisme, Seuil, 1951
Joseph MASSON, Le Bouddhisme, DDB, 1975
Dennis GIRA, Comprendre le Bouddhisme, Centurion, 1989
[1] Pierre MASSEIN, « Le Bouddhisme », dans Michel
Clévenot (dir.), L’État des religions
dans le monde, Paris, La
Découverte/Le Cerf, 1987, p 175.
[2] Ibid.
[3] Ibid.
[4] THICH-MÂN-GIAC, Histoire de la philosophie de l’Inde,
Saigon, Presses Universitaires Van Hanh, 1967, p. 110.
[5] C’est une remarque du Bouddha
lui-même, rapportée par l’une des sources anciennes en pali, sur l’essentiel de
son enseignement. Cf. The book of the kindred sayings (Samyutta-nikàya) or grouped suttas, 5 t., Oxford, Pali Text Society, 1992-1994:
tome V,
p. 437.
[6] Walpola RAHULA, L’enseignement du Bouddha, Paris, Seuil,
1961, pp. 36-37.
[7] Pierre Massein, op. cit., p 184.
[8] Cf. ibid., p 177.
[9] Ibid.
[10] Joseph Masson, Le Bouddhisme,
Paris, Desclée De Brouwer, 1975, p. 111.
[11] Maurice Percheron, Le Bouddha et
le bouddhisme, Paris, Seuil, 1956, p. 106.
[12] Pierre Massein, op. cit., p.
178.
[13] Ibid., p 184.
[14] Cf. les estimations dans Michel Clévenot (dir.), L’État des religions dans le monde, Paris, Cerf, 1987 :
pp. 236, 257, 262, 267, 276.
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